IRIS no. 44 – Vers un neuro-imaginaire


Fallait‑il attendre les sciences du cerveau pour comprendre la pensée humaine et les mécanismes de production de l’imaginaire ? Les sciences de l’Homme et de la société sont entrées, ces dernières décennies, dans l’âge du neurone, caractérisé par une connaissance inédite des bases neurophysiologiques des différents états du cerveau. Ces avancées en neurobiologie conduisent à repenser les cadres de l’activité psychique et l’induction même des images mentales. La diffusion des neurosciences — nouveau modèle d'intelligibilité — impacte les théories fondatrices de l’imaginaire et du mythe. Si Gilbert Durand avait défendu — il y a plus de 50 ans — l’hypothèse des racines biophysiologiques de l’imaginaire (belle prémonition épistémologique), les neurosciences bousculent aujourd’hui les thèses réflexologiques du durandisme pour promouvoir un statut neural de l’imaginaire, dans lequel Dieu et Satan habitent les plis de notre cortex préfrontal gauche. Attestées par l’imagerie fonctionnelle, les hallucinations seraient liées à des troubles de la neurotransmission cérébrale. Les plus anciennes phénoménologies mythologiques ont désormais leurs bases neurales. On sait aujourd’hui produire expérimentalement de l’imaginaire en provoquant des expériences sur le cortex. C’est désormais dans les réseaux du connectome qu’il conviendrait d’établir la cartographie de l’imaginaire. La variabilité des connexions neuronales et la plasticité du cortex, stimulé par les émotions, le contexte social, voire l’hérédité biologique et culturelle, expliqueraient la diversité de nos pensées et de nos représentations. L’IRM fonctionnelle nous montre aussi que voir et imaginer se confondent. Tout se passe en somme comme si l’imagination visuelle était une perception simulée. Sciences cognitives et neurosciences réussiraient‑elles à mettre fin au débat ancestral qui agita les philosophes concernant les relations entre imagination et perception ?

Nous sommes aujourd’hui au seuil de la révolution des neurosciences dans la redéfinition du psychisme et de l’imaginaire. Le présent numéro rend hommage aux travaux pionniers de M.‑A. Cathiard et à son approche anthropologique neurocognitive.

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