L’œuf de Pâques, Gilbert Durand 2


Le hasard est quelquefois magique et complaisant, surtout quand il fait bien les choses. En préparant l’exposition de peintures de Gilbert Durand en 2015, je tombai sur ses poèmes de jeunesse; en cherchant sa correspondance avec l’un de ses illustres maîtres, Henry Corbin, c’est sur son L’oeuf de Pâques que je suis tombée! Et à la veille de la fête de Pâques en 2016!! 
Découverte donc par hasard au fond d’un tiroir de sa grande bibliothèque du château de Novéry à Moye, à la veille de Pâques 2016, cette pièce nous révèle un autre « jardin secret » du jeune philosophe, puisque d’après la couleur des supports du manuscrit, elle devait être écrite dans les années d’après-guerre, entre la fin 1940 et le début 1950, l'époque où Gilbert Durand, jeune agrégé de philosophie, enseignait la pensée de Socrate au lycée de garçons à Chambéry. 
Ce drame tragique et intemporel a été certainement inspiré de sa jeunesse résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, et nourri de son expérience héroïque et sombre de l’incarcération dans une prison de la Gestapo durant janvier-août 1945, où il connut l’horreur, la maladie, la souffrance physique et morale, la déprime, et l’angoisse obsédante de la mort…   
La présente pièce, fruit de nos trouvailles et de notre travail de mise en forme, est basée sur une version intégrale manuscrite et une version partielle des quatre premières pages dactylographiées et légèrement corrigées ou modifiées par l’auteur. Les dix feuillets du manuscrit sont à la fois denses et serrés, soigneusement tracées au stylo bleu à plume, avec abondamment de corrections et de rajouts, au stylo rouge ou au crayon, sur les marges, et un petit dessin à main levée qui illustre la mise en scène, orne le début de la pièce sur la première page manuscrite…
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L'espace est un lieu clos, carcéral, qui ne changera pas tout au long de la pièce, « intérieur sale et triste d'un baraquement », dit l'auteur. Les fenêtres, grillagées, ne laissent voir au dehors que des barbelés. Ameublement restreint et en mauvais état. En ce lieu fermé vivent douze prisonniers vêtus du même uniforme, que différencient seulement un petit signe d'identité professionnelle ou sociale. L'auteur accentue les identités en usant pour chacun d'un vocabulaire approprié, qui va de l'argot faubourien au latin liturgique. On reconnaît un professeur, un prêtre, des paysans, un commerçant, des jeunes qu'on appellerait aujourd'hui « de quartiers ». Ils sont douze.
Ce manuscrit découvert dans le château de Moye, au cours d' une quête de vestiges et de souvenirs, de la cave au grenier, dans une exploration de l'espace interne, qui plairait fort à Gaston Bachelard, et remis au jour la veille de Pâques, mériterait bien d'être lui-même ressuscité. Peu importe que le temps en soit passé. Au delà de son temps, par son symbolisme fondamental qui met à jour schèmes et archétypes, ce « mystère burlesque » relie le présent au futur par le principe Espérance. Il est toujours actuel parce que son questionnement est de tous les temps. On attend avec impatience qu'il reprenne entièrement vie. Il a déjà été mis en forme écrite, par le travail des trois rédacteurs. On souhaiterait qu'il soit maintenant mis en scène. Qu'il monte sur la scène d'un théâtre par les soins d'une équipe d'amis de Gilbert Durand ! Ce serait un nouvel œuf de Pâques, le nouveau don qu'on attend d'eux.

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2 commentaires sur “L’œuf de Pâques, Gilbert Durand